Après 174 jours passés sous le rouleau compresseur Israélien, la population de Gaza est maintenant à deux doigts de la famine. Il n’existe pas de mots pour décrire l’intensité de la violence qui leur est faite jour après jour. Ça fait des mois que ces images accompagnent mon quotidien, à chaque fois que j’ouvre mon téléphone. Cette semaine, j’ai écris une lettre à la Ministre des Affaires Étrangères, Madame Mélanie Joly, pour dénoncer le manque de solidarité du Canada envers le peuple Palestinien. Voici le texte de la lettre. Si vous pensez, comme moi, que la faim ne devrait jamais être utilisée comme arme de guerre — surtout contre une population civile qui est composée à 50 % d’enfants — alors je vous encourage à lui écrire vous aussi en cliquant ici.
Vous pouvez écrire ce que vous voulez, même recopier ma lettre, mais de grâce, écrivez vous aussi. Il est essentiel de faire porter notre voix. Seule les pressions de la communauté internationale ont le pouvoir de stopper cette famine avant qu’il ne soit trop tard.
Madame la Ministre,
Je vous écris parce que comme beaucoup de Canadiens, je suis extrêmement choqué par la violence perpétrée par l’armée Israélienne dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023. Le degré de violence, de destruction et de souffrance imposé au peuple Palestinien depuis ce jour funeste est hors de toute proportion avec les actes d’agression du Hamas et doivent être dénoncés sur la scène internationale par tous les pays défenseurs des droits humains.
La liste des atrocités commises par l’armée Israélienne est désormais trop longue pour pouvoir être relatée dans son ensemble dans une seule lettre. Pendant leur campagne à Gaza, l’armée Israélienne a détruit ou endommagé plus de 70% de tous les logements à Gaza, a coupé l’accès aux populations civiles à l’eau potable et à l’électricité, et a forcé plus de 1.9 millions de personnes à  se déplacer dans des camps de réfugiés dans la région de Rafah. Malgré ces déplacements forcés, personne à Gaza n’est en sécurité. L’armée Israélienne attaque régulièrement les corridors de sécurité qu’elle a elle-même établis, ainsi que des camps de réfugiés, des hôpitaux, des écoles, des mosquées, des maisons de civils et des convois d’aide humanitaire. Depuis le 7 octobre, au moins 95 journalistes ont également été tués à Gaza dans le cadre de leurs fonctions, plus que lors de tout autre conflit armé des dernières décennies. Des Gazaouis (ainsi que des otages israéliens) brandissant des drapeaux blancs ont été abattus par l’armée Israélienne. Plus de 30 000 Palestiniens, l’écrasante majorité d’entre eux des civils, ont perdu la vie, dont 13 000 enfants.
Mais la politique de blocus de l’aide humanitaire imposée par Israël constitue sans doute l’élément le plus désastreux de cette guerre. D’après Oxfam, plus de 1.7 millions de Gazaouis sont actuellement à risque de famine. Pour les 300 000 habitants du Nord de Gaza n’ayant pas pu évacuer vers le Sud, la faim est déjà mortelle. Selon la directrice exécutive du Programme Alimentaire Mondial, Madame Cindy McCain, “People in Gaza are starving to death right now. The speed at which this man-made hunger and malnutrition crisis has ripped through Gaza is terrifying. […] There is a very small window left to prevent an outright famine and to do that we need immediate and full access to the north. If we wait until famine has been declared, it’s too late. Thousands more will be dead.” La misère causée par le blocus d’Israël est d’autant plus effroyable du fait qu’elle totalement évitable. Des milliers de camions remplis d’aide humanitaire font du sur-place en-dehors des checkpoints entourant Gaza alors qu’Israël pratique des contrôles arbitraires et injustifiablement lents.
Le gouvernement canadien ne peut pas rester indifférent à cette catastrophe humanitaire et face aux violations répétées des droits humains des Palestiniens. L’utilisation de la faim comme arme constitue un crime de guerre. Punir collectivement les populations civiles pour les actions de leur gouvernement constitue un autre crime de guerre. L’état d’Israël fait déjà depuis le 26 janvier l’objet d’un jugement provisoire de la Cour Internationale de Justice demandant à son gouvernement d’adopter des mesures immédiates pour éviter la commission d’actes de génocide tels que définis par la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide, une convention qu’Israël, la Palestine et le Canada ont ratifiés. Depuis, l’état d’Israël a par ses actes clairement signifié son mépris face à ce jugement et a choisi d’ignorer les demandes de la CIJ.
Madame Joly, il est grand temps que le Canada se tienne debout face au mépris d’Israël envers le droit international et envers la dignité du peuple Palestinien en leur imposant des sanctions diplomatiques et économiques, et ce jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu durable soit établi et qu’un processus de paix durable soit entamé.
Je salue les mesures déjà adoptées par le gouvernement canadien dans les derniers jours, soit l’adoption d’une résolution mettant fin aux ventes de matériel militaire à Israël, ainsi que le rétablissement du financement d’UNRWA, l’agence des Nations Unies le mieux placée pour agir efficacement et rapidement pour livrer de l’aide humanitaire aux Palestiniens. Il est toutefois impératif de ne pas s’arrêter là .
Le gouvernement canadien est en mesure de mettre de la pression sur Israël en rapatriant le personnel de l’ambassade canadienne de Tel-Aviv, ainsi qu’en suspendant l’accord de libre-échange Canada-Israël. De plus, le Canada se doit de reconnaitre l’État Palestinien, puisque le flou juridique autour du statut du peuple Palestiniens est un des facteurs nuisant le plus à leurs droits humains à la sécurité, la liberté et à l’autodétermination. En plus de prendre action lui-même, il est impératif que le gouvernement canadien mette également de la pression sur ses partenaires diplomatiques et économiques d’emboîter le pas, en particulier les États-Unis, qui fournit plus de 3.3 milliards de dollars d’aide militaire chaque année à l’état Israélien.
En évitant de telles prises de positions claires, le Canada contribue à miner la légitimité de l’ordre légal international. Si l’outrage du Canada et de l’Occident dans son ensemble face aux violations des droits humains disparait devant ses alliés, ce sont les principes les plus fondamentaux du droit international qui s’effondreront. Ce favoritisme confirmerait qu’en politique international, c’est la force qui fait le droit, confortant ainsi dans leurs agressions tous les régimes autoritaires de la planète. Un tel climat mènera inévitablement à d’autres atrocités dans les années et les décennies à venir.
Des millions de canadiens et de défenseurs des droits humains partout sur la planète comptent sur vous et votre gouvernement pour prendre la parole contre les atrocités commises par Israël et pour encourager un climat propice à la négociation d’une paix durable. Ne nous laissez pas tomber et ne laissez pas tomber le peuple Palestinien. Chaque seconde compte — la famine n’attend pour personne.
Free Palestine.
Cordialement,
Jean-David Therrien